Chasseur-cueilleur
- Le 16/07/2019
Nous sommes encore des chasseurs-cueilleurs, par notre système nerveux qui n’a pas évolué de façon significative depuis que nous avons quitté leur mode de vie.
Pour preuve : notre tendance innée à tirer des conclusions à partir d’une information incomplète.
Cette disposition que nous avons héritée de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs était bien utile dans leur vie pleine de dangers immédiats qu’il fallait anticiper.
La même disposition qui conduisait notre ancêtre chasseur-cueilleur à prédire la présence d’un prédateur pour expliquer l’agitation des feuilles d’un buisson, nous conduit aujourd'hui à prédire la présence d’un dieu créateur pour expliquer l’ordre du monde.
J’ai évoqué dans Intransigeance ma propension à condamner irrévocablement, sur des bases ténues, des gens que je ne connais pas. Une autre illustration de cette disposition à tirer des conclusions à partir d’une information incomplète.
Je suis en l’espèce victime de ce que le psychologue Daniel Kahneman appelle une illusion cognitive. L’illusion pourra être déclenchée par un détail : un parler faux par exemple, que j’associerai à un stéréotype : ceux qui parlent faux sont tous des menteurs. Alors qu’il y a mille raisons différentes de parler faux.
Cette illusion par le stéréotype qui demande à être corrigée dans le monde moderne était pourtant pertinente dans le monde de notre ancêtre chasseur-cueilleur.
Notre esprit est encombré d’illusions cognitives, fabriquées de façon non consciente et subies, comme les illusions visuelles.
Les illusions cognitives nous trompent, comme l’illusion de Müller-Lyer :
dans laquelle on ne peut s’empêcher de voir 2 segments de longueurs différentes alors qu’ils sont de longueurs strictement identiques.
On a mesuré, on sait que les segments sont de même longueur, et pourtant l’illusion persiste.
Nous devons nous défier de ce que nous appelons communément l’intuition lorsqu’elle nous conduit à croire sans poser de question.
George Bush a dit un jour que pour savoir si quelque chose est vrai ou pertinent, il lui suffit d’y penser et se demander comment il se sent. Il est possible que la méthode ait réussi à plus d’un président des Etats-Unis ; nous ne devons pas nous y fier pour autant.
Comme pour le chasseur-cueilleur, les conclusions que nous sommes capables de tirer à partir d’une information incomplète nous permettent d’agir, en toutes circonstances.
En contrepartie, nous sommes très exposés à l’erreur, qui de fait est fréquente ; nous sommes contraints de faire confiance à ceux qui détiennent l’information, le savoir ; nous sommes très vulnérables au mensonge.
Des mécanismes de correction sont nécessaires, des mécanismes collectifs.
La science, qui demande des preuves ou des éléments de preuve, des prédictions vérifiables, des débats contradictoires ; la science, qui refuse l’argument d’autorité, est un de ces mécanismes.
Comme l’écrit le physicien Lee Smolin, la science est « notre meilleur instrument dans notre lutte constante pour dépasser notre tendance innée à nous tromper et à tromper les autres ».